Dérivant, par chance ou destinée, j’abordais Pihaena

Les magnifiques créatures…
Toutes les magnifiques créatures ….
Nageant, tournoyant, tournant, se cachant, jouant….
Là dans l’eau noire de ce lagon du Pacifique Sud.

J’eus peur.
De grandes ombres apparaissaient dans le lointain obscur.
Ma lampe de poche éclairait seulement un mince faisceau du grand espace.
Les vers dansant dans l’eau me donnèrent la chair de poule.

Je savais certains poissons venimeux,
Comme le petit rouge ondulant toutes épines dehors.
J’essayais de ne toucher à rien,
Alors qu’avec mes yeux, je cherchais à tout absorber.

Soudain j’entendis des voix, appelant…
D’angéliques voix d’enfants appelant…
Appelant d’au dessus..
D’au dessus du plafond de mercure miroitant…

C’étaient les enfants sur le quai.
Ils me demandèrent, en français, ce que je faisais.
Je leur répondis que je regardais la vie.
Et, ayant un peu froid après deux heures dans l’eau,
Je vins sur la plage et rencontrais les gens du lagon de Pihaena.

Je vis leurs pancartes,
J’appris leurs légendes et leur style de vie,
J’ai mangé leur nourriture,
Reçu avec reconnaissance leurs soins et médicaments,
Et de même j’ai partagé les miens avec eux,
J’ai vécu avec eux dans leur camp et leurs maisons.

Ils vivent le cœur sur la main.

Ils m’ont raconté comment, il y a longtemps, d’autres vinrent dans leur pays
Et demandèrent
" A qui est cette terre ? "

Et puis : " Où est votre acte notarié ? "

Et bientôt des actes notariés furent écrits par ces autres,
Et les gens découvrirent qu’ils n’avaient des titres que sur une très petite portion
De ce qui avait été leur.

Ceci est une histoire souvent répétée autour du globe.

Aujourd’hui, encore, cela recommence. Encore.

Ce lagon était vie et amour pour les générations passées.
Ces gens découvrent aujourd’hui que ces autres,
Avec leurs montagnes de papier et leurs actes notariés,
Ont encore une fois pris leur simple droit, sacré et sans papier, à la propriété.

Tout ceci avec l’aide d'un gouvernement supposé protéger les intérêts de tous… Ha !

Que ce poème soit leur acte notarié.
Un cri de l’âme qui dit :

" Ceci est mon cœur.  Ne le piétinez pas. "

Charles Olson
Mars 2000

Traduit par Christa TEIHOTU